Richard iii

Mis en scène par Emmanuel Ray - Joué par la troupe du Théâtre en Pièces - 

Au cloître des Cordeliers de Chartres le 29 Août 2023, 21 h.

Quelle évolution depuis les premières lectures de Ruchard III, au Théâtre de Chartres le samedi matin, au tout début du projet, trois à quatre ans auparavant !

Evolution, transformation, maturation, qui facilitent les nôtres, qui poussent le champ du regard au-delà de soi, de sa propre sphère. Et, oh ! surprise ! A la fin, le constat est là, fort, troublant ! Ce n’est pas Richard III seulement qui est capable d’être Ruchard III ! C’est chacun d’entre nous !

Tout au long de la pièce, se jouent ces parties indéfinissables, irrationnelles, susceptibles de nous mener « Dieu sait où ! », selon cette expression courante. Ce qui finalement traduit l’impossible à dire, ce qui nous échappe parfois, cet insaisissable qui, pourtant est capable de se transmettre « pour le meilleur et pour le pire ».

Du coup, on s’interroge : et moi dans tout ça ? Ni Dieu ni maître. Ni vainqueur ni vaincu. Ni … La liste peut être brève ou longue, selon l’avis – la vie - de chacun.

Et tout ça, par où ça passe ? Par les « tripes » !  Sans elles rien ne passe ! Mais il a bien fallu le penser pour s’en saisir et le faire vibrer, d’un ventre à l’autre. Et c’est là toute la magie de ce travail théâtral, ciselé au cordeau dans et avec la crudité des êtres. Parce que, bien sûr,  le talent des comédiens est au rendez-vous.

Travail guidé par un coryphée, ni prédicateur, ni Chronos, juste éclaireur, mi-Aigle, mi-Sphynx, mais aussi l’Indien, le représentant des populations amérindiennes à travers bijoux et autres symboles et bien sûr,  la parole. Bref, Indien, Reine et Coryphée, issu de diverses civilisations, qui trace  malgré quelques péripéties, sa voie à la rencontre de nos univers d’aujourd’hui  et qui partage un chemin de pensée, avec sa force et sa fragilité.

Entre lecture et fresque vivante, des comédiens ont résumé nos « tribulations » d’humains, parfois débordés par un monde obscur que l’on rate « accidentellement » à repousser, tant il est là, présent ou fantôme. C’est à petits pas qu’il nous y fait entrer, nous invitant à travers les temps du spectacle, à l’apprivoiser, dans toutes ses dimensions 

Et même si la mort et la cruauté font partie du voyage, la vie est là, palpitante, intrigante, qui nous tend la main autant qu’elle nous met au défi de la vivre.

                                                                                                                             Christine Breitenstein

 

 

Hilda

de Marie NDiaye joué au Off par la troupe du Théâtre en pièces de Chartres 

Hilda ! L’essentiel sans fioriture ! Une mise en scène qui coupe dans la chair du texte, géométriquement, implacablement jusqu’à l’accomplissement du destin. Enfin ! Si on veut … Découpage finement ciselé des mécanismes de l’emprise. On en sort, transformé, éclairé. …

Et pourtant la lumière est sombre. Sur une réalité de la vie quotidienne qui se cache derrière les us et coutumes, les ruines d’un patriarcat meurtrier,  dans un climat délétère, tissé d’ignorance, de déni et de lâcheté.

Contrairement à certain discours, dans Hilda, plus la parole se déploie (enfin, pas n’importe laquelle !), plus la destruction est à l’œuvre. En fait, lorsque la parole fait du bien, ce sont les intentions conscientes et inconscientes, et la pensée des divers protagonistes, qui orientent ainsi l’aboutissement de cette parole.  Parfois, mais pas toujours.

A travers textes écrits puis parlés, Marie NDiaye et la troupe des comédiens mettent particulièrement bien en valeur l’engrenage de la destructivité qui s’auto-alimente de son propre délire (personnage de Madame Lemarchand) et provoque en cascade sur son environnement une chaîne de perturbations aboutissant à des états et épisodes mortifères.  Et chacun en prend pour son grade.

La question qui se pose une fois le jeu joué, c’est comment endiguer cela et retrouver des chemins de vie. Ce à quoi participe la représentation ainsi donnée.